Voyages

LES VOYAGES DE MÉMOIRE
organisés par l’Amicale sur les sites du camp de Mauthausen

Ces dernières décennies, l’Amicale propose chaque année deux voyages sur les principaux sites du camp en Autriche, en mai et en octobre. Les premiers temps, il y en eut jusqu’à dix, sans compter les périples à l’initiative d’un déporté dans sa région, en lien ou non avec l’AFMD (Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation). L’Amicale participe aussi, en juin, aux cérémonies qui se tiennent sur les sites nord et sud du camp annexe du Loibl Pass, de part et d’autre de la frontière austro-slovène. 

La crise sanitaire survenue en 2020 a interrompu ces rendez-vous, et ruiné les ambitions d’un voyage du 75ème  anniversaire qui devait être marqué par la participation exceptionnelle de 250 lycéens venus de 5 établissements français.
Début février 2021, nul ne sait si le rendez-vous international de mai prochain pourra avoir lieu. Si ce peut être finalement le cas, même en format réduit, l’Amicale s’attachera à y être représentée.  N’hésitez pas à contacter l’Amicale.

Les voyages sur les sites du camp de Mauthausen sont, depuis l’immédiat après-guerre et jusqu’à la perspective des années 2020, une exigence fondatrice, l’une des activités de l’Amicale les plus significatives, qui a construit au fil des décennies de solides savoir-faire, en même temps qu’elle a requis à toutes les époques une activité bénévole intense, en évolution et renouvellement constants (documentation, organisation, accompagnement, réseau de relations).

On en trouvera ici une esquisse de synthèse. On lira dans la collection des bulletins disponible sur ce site un déroulé plus précis des variations, au long des décennies, de cette aventure autrichienne (et slovène) proposée aux membres de l’Amicale. 


Marquer le territoire de la mémoire

Aussi longtemps que ce leur fut possible, d’anciens déportés ont guidé à Mauthausen les visites pour les groupes de l’Amicale. Tous les rescapés du camp ne sont pas retournés en Autriche ; certains l’ont fait à de très nombreuses reprises, jusqu’à la limite de leurs forces. Il en est de même pour les familles : certaines effectuent sans relâche le voyage à Mauthausen ; d’autres, pourtant attachées fidèlement à l’Amicale, ne participent pas à cette activité, ou en de rares circonstances.  

Longtemps nommés « pèlerinages », ces voyages conservent certainement quelque chose d’un rituel de deuil. Dès les premières années, c’est cette pratique qui a constitué l’Amicale comme « une grande famille », autour d’émotions partagées, de connivences implicites, une convivialité  qu’on ne trouve pas dans une association ordinaire, et que les activités statutaires ne permettent pas avec cette acuité. 
Découverte et visite des sites sont un processus toujours en cours, parce que les groupes se transforment, les lieux aussi, de même que la société autrichienne.

Très consciemment, les groupes de l’Amicale qui se rendent en Autriche ont aussi pour objet de marquer le territoire, d’imposer notre présence : le climat d’hostilité (réciproque) des premiers temps peut se manifester encore, le rapport de force idéologique n’est pas hors de propos, ces dernières années.
Dans les années 2000, Pierre Saint Macary, président d’honneur de l’Amicale, disait sans détour aux lycéens présents : « vous n’êtes pas ici pour pleurer, cette douleur n’est pas la vôtre ». 
Quels autres ressorts ? De quels messages les voyages de mémoire sont-ils porteurs ?  Que s’agit-il de « transmettre » ? D’abord des formules éprouvées, qui ne sont pas éculées pour autant : les convictions et la vigilance « antifasciste », le trop fameux « Plus jamais ça ! » qu’il s’agit de décliner en arguments dans des termes pertinents aujourd’hui.
S’y ajoutent, à toutes les époques et de façon fertile :

  • l’attention apportée aux traces du camp, leur usure et leurs inéluctables transformations ;
  • un intérêt circonstancié pour la société autrichienne dans sa complexité entraperçue ;
  • une rencontre avec des amis venus d’ailleurs, Autrichiens, autres Européens et citoyens de ce monde qui, comme nous, viennent chercher sur les sites de Mauthausen des ancrages et des outils philosophiques et politiques. 


Des conceptions évolutives

On pourrait repérer aisément des époques contrastées, définies par la personnalité des organisateurs et accompagnateurs, mais aussi par la composition, les motivations des groupes de participants. 

Très tôt, les « pèlerinages » ont été pondérés par une ouverture touristique, auxquels les noms d’Émile Valley et Jacques Henriet restent associés. Qui oserait soutenir que c’était dévoyer les objectifs ? L’autre Autriche a été visitée sans retenue, et rapidement les périples se sont élargis à l’est, vers l’Europe centrale et orientale : on conçoit l’intérêt que les anciens déportés – les jeunes retraités parmi eux – ont manifesté, il y a soixante ou encore quarante ans, à visiter des peuples côtoyés dans l’insupportable Babel du camp et dans la situation géopolitique de l’Europe de ces années-là. Le camp, laboratoire de l’Europe des peuples ? Oui sans doute, c’en fut un écho.

Plus tard, les voyages se sont recentrés sur leur principal objectif, tandis que les déportés déjà étaient moins présents : « nos morts », disait sans faillir Michèle Piquée-Audrain, qui n’approuvait pas l’allure de « kermesse » du grand rendez-vous de mai. 

Depuis une vingtaine d’années, ce sont des visites d’autant plus rigoureuses qu’elles sont moins ou ne sont plus guidées par des déportés, d’un nombre accru de sites du camp, qui constituent l’objet quasi-unique des voyages, élargi seulement à des traces de l’Autriche nazie, une réalité qui a resurgi dans le champ politique : tel est le format mis en œuvre durant une large décennie par Patrice et Chantal Lafaurie, héritage aussi du concept « voyage des professeurs », moins porté par les affects que par la didactique, élaboré par une équipe de têtes pensantes de l’Amicale, dans la décennie 1990, autour de Pierre Saint Macary et Jean Gavard, qui culmina avec les deux symposiums européens de Linz, en 2000 et 2001 (voir Cahiers de Mauthausen, n° 1 et 2, toujours disponibles).
D’autres évolutions sont à prévoir.


Mai et octobre 

Le rendez-vous de mai est la célébration de la libération.
Il rassemble une foule venue de tout le continent européen, avec des particularismes qui reflètent la diversité des peuples et de leurs usages. Il est fait de cérémonies, au camp central et sur un certain nombre de camps annexes – nous ne pouvons être présents sur tous, mais l’Amicale est présente au moins à Mauthausen, Gusen, Ebensee, Melk, Steyr, Zipf, Linz III, Hartheim, à quoi nous ajoutons parfois Saint-Valentin, Amstetten, Ried an der Riedmark, Gunskirchen, Wiener Neustadt…
La délégation de l’Amicale accueille au monument français l’ambassadeur de France.
Des prises de parole de l’Amicale française sont inscrites dans les usages de plusieurs cérémonies – en rapport avec le thème de l’année, fixé par les organisateurs (MKÖ et CIM).
Ces rendez-vous valent aussi pour les rencontres avec :

  • des militants autrichiens de la mémoire du camp, responsables des mémoriaux ;
  • des personnalités autrichiennes qui ont tissé des liens au long des années ;
  • des Français d’Autriche, au premier rang desquels l’ambassadeur de France ;
  • des amis venus de tout le continent européen, parmi lesquels les jeunes sont très nombreux.

Fin octobre (auparavant sous le nom de «–voyage de Toussaint–», celui des «–familles de disparus–»), le groupe de l’Amicale est seul, et plus libre de son parcours. L’évolution s’est faite vers des voyages de découverte et d’étude, des échanges avec des militants autrichiens de la mémoire de Mauthausen.


L’expertise de l’Amicale

Nous sommes sollicités pour faire visiter Mauthausen. Exemples :

  • les carmes d’Avon, sur les pas du père Jacques (Mauthausen, Gusen, Hartheim), 2003 (cf. bulletin n° 295, octobre 2003) ;
  • une promotion de Saint-Cyr, dont le parrain choisi était Georges Loustaunau-Lacau (Mauthausen, Gusen, Hartheim), 2018 (cf. bulletin n° 355, janvier 2019) ;
  • une sollicitation du Mémorial de la Shoah (groupe de Français guidé par l’Amicale à Mauthausen, Gusen, Hartheim, Gunskirchen), 2018.

L’Amicale a développé des relations avec de nombreux enseignants, qui la sollicitent pour le conseil didactique et logistique, parfois l’accompagnement de voyages de lycéens et collégiens, coïncidant ou non avec les voyages de mai ou d’octobre.

En ne considérant que les voyages destinés à ses membres, l’Amicale a conduit en Autriche, durant la dernière décennie, plus de mille personnes, en comptant les « grands anniversaires » quinquennaux qui voient une participation plus nombreuse. Outre le nombre, on peut distinguer trois entités à peu près égales : ceux qui retournent indéfiniment (pour quelques-uns, une centaine de voyages) ; ceux qui entreprennent pour la première fois le voyage ; des plus jeunes, certes minoritaires, mais en nombre plus significatif que ceux qui participent effectivement à la vie de l’association.