Un livre de Rosa Toran : Josep Miret Musté (1907-1944)

ROSA TORAN : JOSEP MIRET MUSTÉ (1907-1944). Conseller de la Generalitat, deportat i mort a Mauthausen. Militancia politica, accio institucional i lluita antifeixista. Proleg de Josep Fontana (Ed. 62, Barcelona 2017)

Le titre choisi pour ce livre est suffisamment explicite pour capter la complexité et l’importance de Josep Miret, un des personnages exceptionnels non seulement de notre histoire mais également de l’histoire de France. Serrurier de son métier, il a complété sa formation professionnelle et intellectuelle à l’École du Travail, dirigée par Rafael Campalans, un des fondateurs de l’Union Socialiste de Catalogne, tout en pratiquant le rugby dans la sélection catalane du FC Barcelone, profitant du climat de cette époque qui, sous la devise sport et citoyenneté, rompait avec les pratiques élitistes et permettait à la classe ouvrière d’accéder aux loisirs. Sa soif de connaissances et culture et sa lutte contre la dictature de Primo de Rivera firent de lui un jeune surdoué pour l’écriture […]. Durant la période de guerre et révolution, il assume diverses responsabilités dans le gouvernement de la Generalitat de Catalunya, dans le Comité Central des Milices Antifascistes, président du Conseil des Transports et commissaire politique de l’Union de Travaux et Fortifications, pour finir Conseiller d’approvisionnement, pendant qu’il continuait d’écrire dans les pages de Treball, le Journal du PSUC. En juin 1937, en tant que Commissaire Politique de la 31ème Division de l’Armée de l’Est, il participe à différentes batailles, jusqu’au moment où avec la retirada il traverse la frontière au Perthus le 11 février 1939, pendant que sa femme qui l’accompagnait devait rester à Cardedeu où elle donna naissance à son fils Josep. De Perpignan à Montpellier, jusqu’à son arrivée à Paris, Josep Miret fut un des rares cadres du parti resté en France. L’invasion des troupes allemandes signifia une inflexion dans sa vie ; il refusa plusieurs fois de passer dans la zone libre et initia un nouveau combat contre le fascisme, représenté par l’occupant et les collaborationnistes, lutte à laquelle participa également son frère Conrad. Il serait trop long de relater toutes les actions qu’il mena à bien, sous de fausses identités, depuis la Bretagne jusqu’à Paris, en relation étroite avec les noyaux communistes français et avec les chefs de la Résistance des FFI, dont il finira par être l’homme de confiance à un point tel qu’il sera connu comme étant « le Ministre de la Catalogne ». Sans aucun doute les actes de sabotage et de propagande firent que des centaines de femmes et d’hommes républicains se trouvèrent en ligne de mire de la police française et de la Gestapo. En premier, Conrad Miret fut arrêté et assassiné. Dans le grand coup de filet de 1942, 119 furent arrêtés. Dans celui de 1943, Josep Miret fut arrêté avec 40 compagnons, dont les principaux responsables du PSUC en zone occupée. Interrogés et emprisonnés, ils ont fait partie d’un convoi à destination de Mauthausen qui arriva le 27 août 1943. Successivement interné dans deux commandos extérieurs, le dernier à Florisdorf, le travail de Josep Miret consistait à éteindre les incendies provoqués par les bombardements alliés, qui visaient l’usine Heinkel dans laquelle les déportés, parmi lesquels se trouvaient environ 40 républicains, devaient fabriquer des fuselages pour les avions. Blessé à la jambe au cours d’un de ces raids aériens, sa mort fut causée directement par les coups de feu du SS Hans Bühner, le 17 novembre 1944. Mais cet assassinat ne resta pas impuni. En 1949, Hans Bühner fut arrêté par hasard et jugé par le Tribunal militaire français supérieur de Rasttat dans la zone sous contrôle français en Allemagne, il fut condamné et exécuté l’année suivante.

En juillet 1945, dans le cinéma Variétés de Toulouse fut rendu le premier hommage posthume aux frères Miret et à tous les morts du parti, et deux ans après la mort de Josep, Elisa Uriz fit sa biographie ; la brochure a également été éditée en français et mise en vente afin de financer le travail clandestin en Catalogne. D’autres textes apparaissaient dans des journaux de mouvance communiste jusqu’à ce que les divisions politiques au sein du PSUC, tant en France qu’en Amérique, affaiblissent l’aura qui avait entouré les héros martyrs du parti, et la guerre froide contribua à dévaloriser le rôle des communistes dans la lutte contre les nazis. C’est ainsi que la République française a peu à peu reconnu, avec retard, le rôle des républicains dans la lutte contre les occupants, grâce à la persévérance des associations de descendants. Aujourd’hui le nom des frères Miret figure sur plusieurs plaques qui permettent au public de voir ce qui jusqu’alors était uniquement accessible dans des ouvrages spécialisés dans l’exil républicain et la Résistance […]. C’est seulement au retour des exilés, à la mort du dictateur, que réapparait l’intérêt pour la connaissance de la génération qui se distingua dans la lutte contre le nazisme en Europe et donna naissance au PSUC. C’est seulement en 1985, dans le cadre du 40ème anniversaire de la libération des camps, que la ville de Barcelone donna suite à la pétition de l’Amical de Mauthausen y otros campos pour donner le nom de Josep Miret Musté à une rue de Barcelone. Et pour le 60ème anniversaire de la libération des camps nazis, l’Amical rendit hommage à Josep Miret à Gusen, hommage au cours duquel, pour la première fois, intervint un conseiller de la Generalitat, Joan Saura.

Rosa Toran, historienne