La condition concentrationnaire

Cette exigence – le camp, ce fut d’abord la condition concentrationnaire – est posée dès les premiers temps : Paul Tillard, libéré à Ebensee, revenu hanter les lieux en journaliste l’été 1945, publie dès octobre le livre Mauthausen ; quelques autres premiers récits paraissent les années 1945-1947.

L’exigence historique, c’est Michel De Boüard qui la proclame dans un article paru en 1954 : en substance, cette histoire-là, ce sont d’abord les hommes qui la vécurent et sans eux, on n’en connaîtra rien – propos étonnant sous la plume d’un universitaire, historien, médiéviste de surcroît. Ce qui atteste en lui la conviction d’avoir éprouvé la spécificité d’une réalité historique dont les sources – archives, décors, photos SS – sont fallacieuses.

Donc mettre en avant les dispositifs qui replacent les acteurs au centre : récits conservés, à toujours valoriser et décoder.
Un premier outil, sans égal : le livre du philologue autrichien Peter Kuon, paru en français en 2013, portant sur les 120 récits publiés par les déportés français, qui donne à entendre les vérités des vécus, les subjectivités, les déformations opérées par le souvenir ou la conscience témoignant.
Un second outil, celui que tous les déportés auront attendu leur vie durant : en ce début de l’année 2021, publication du livre important d’Adeline Lee, une écriture de l’histoire qui se donne comme défi de « replacer au centre du propos l’Homme » (Adeline Lee) – en l’occurrence, restrictivement : « les Français » – soit un vingtième des détenus. 

ouvrages et articles cités :
Mauthausen, Paul Tillard, Éditions sociales, Paris, 1945        
– « Mauthausen », Michel de Boüard, Revue d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, n° 15-16, juillet-septembre 1954, p. 39-80
L’écriture des revenants. Lectures de témoignages de la déportation politique, Peter Kuon, Éditions Kimé, coll. Entre Histoire et Mémoire, Paris, 2013
Les Français de Mauthausen – Par-delà la foule de leurs noms, Adeline Lee, Tallandier, Paris, 2021