Notre très chère amie Pierrette Saez…

est décédée ce vendredi 27 janvier.

Notre très chère amie Pierrette SAEZ, veuve de Jose SAEZ CUTANDA (matricule 6 676) est décédée vendredi 27 janvier.

Elle aura vécu toute sa vie à l’écoute et au rythme de la mémoire des déportés espagnols demeurés en France après leur libération du camp, en particulier dans le département du Val-de-Marne.

À la mort de son époux, en 2004, elle a poussé la porte de notre Amicale, et y a passé près de vingt ans de travail assidu, discret, intense. Par exemple :

  • Son suivi minutieux de la presse espagnole, qui atteste du retour de la mémoire de Mauthausen dans une population si longtemps maintenue dans l’ignorance et la soumission, tous les lecteurs de notre bulletin sauraient en parler.
  • Son aide aux familles, aux descendants de déportés pour retrouver les traces d’un disparu, qui a en mieux parlé que David Pineda, qui raconte, entre autres, comment par téléphone depuis un cimetière de Linz, il lui demanda de joindre d’urgence en une matinée notre ami Paul Le Caër, les archives militaires de Caen, et de consulter à l’Amicale le Libro Memorial des déportés espagnols de Benito Bermejo. Je ne divulgâche pas toute l’intrigue …
  • Le succès de 10 ans de démarches parfois fastidieuses, parfois exaltantes pour aboutir en juin 2017, à la cérémonie, haute en symboles, de réinhumation au Père Lachaise des restes de Francisco Boix, le « photographe de Mauthausen », nous savons tous qu’elle en fut la cheville ouvrière et l’âme.

Pourtant, même si nous pouvons être certains qu’elle a vécu avec une grande émotion ce moment comme une sorte de récompense de sa persévérance personnelle, elle n’en tira aucune fierté, et ce n’est pas ainsi qu’elle-même définissait sa présence à l’Amicale : « nous sommes les petites mains » disait-elle à l’une d’entre nous qu’elle accueillit à son tour.
Elle mettait un point d’honneur à s’attacher prioritairement aux tâches les plus humbles : la vaisselle, le rangement, l’écoute, la vente des épinglettes, brochures, insignes, et, jusqu’à une époque pas si éloignée, les petits plats pour les rendez-vous hebdomadaires des bénévoles.

Mais de cette réelle modestie, qui aurait pu être dupe ? Nous savions tous qu’elle n’était que la face visible d’une rigueur et d’une exigence morales inspirées précisément par la connaissance intime des injustices et des souffrances de ce monde. Ainsi, quand Pierrette avait dit « c’est une question de principe », nous savions qu’il devenait vain de chercher à la fléchir. On pouvait sans fausse honte faire « la fête » pourvu qu’on n’oublie pas qu’existent aussi des fêtes graves.
Dans nos commémorations, Pierrette nous montrait qu’il n’est pas de respect sans dignité.
Dans nos discussions, elle se laissait parfois convaincre par des arguments, sans jamais céder à des compromis.
Question de principe.
Elle a mené ainsi sa vie à la force de la raison et au rythme du cœur. Ses seuls aveux de faiblesse ? La nostalgie du pays d’origine, la maison près d’Albacete, et son amitié « de principe » pour ceux qui venaient de cette région.

Pour le reste, elle fut pleine d’amitié et de générosité pour tant d’entre nous qui n’en finiront pas de revenir vers elle.

Claude Simon, président de l’Amicale
extrait du discours prononcé lors des obsèques de Pierrette à Alfortville,
le mercredi 1er février.