Cantate de Mauthausen

Créée en 1966 et connue également sous le nom de « Trilogie de Mauthausen » ou « Ballade de Mauthausen », la « Cantate de Mauthausen » est un cycle de quatre arias composée par Mikis Theodorakis en 1965. Les paroles de la cantate ont été écrites par Iakovos Kambanellis (1922-2011), survivant du  camp de Mauthausen et auteur du récit éponyme, Mauthausen.

En mai 1988, la « Trilogie » est interprétée pour la première fois  au camp central Mauthausen en présence de  Franz Vranitzky (chancelier) et de dizaines de milliers d’Européens. Trois femmes l’interprètent dans leurs langues respectives : le grec, l’hébreu et l’allemand.
Sept ans après, en mai 1995, à l’occasion des cérémonies du 50ème anniversaire de la libération et après un discours de Simon Wiesenthal, Theodorakis dirige une répétition de cette ballade. 

Cette ballade est le reflet de Kambanellis à Mauthausen comme l’amour de deux êtres, d’origine géographiques, comme culturelles éloignées, témoignant des atrocités qu’ils ont connues en un lieu commun : Mauthausen, comme « une mélodie exquise, obsédante et passionnée qui fait passer les paroles touchantes de Kambanellis à un niveau encore plus élevé ».

Du 11 au 17 mai 2012, 44 élèves de Première du lycée Joachim du Bellay d’Angers ont participé à un séjour en Autriche dont 3 journées furent consacrées aux cérémonies du 67ème anniversaire de la libération de Mauthausen sous la conduite de cinq enseignants. Ils furent accompagnés pour l’occasion des Angevins Bernard Maingot, déporté à Melk, à l’origine du projet, de Michelle Rousseau-Rambaud, proviseure honoraire de ce même lycée, et de Louis Buton.
Tous ont travaillé avec leur professeur de musique toute l’année scolaire pour interpréter devant la porte du camp la Cantate de Mauthausen.
Mais les intempéries en ont empêché l’exécution. Elle fut néanmoins présentée au groupe de l’Amicale à l’hôtel de Linz au cours d’une soirée riche en émotions, avec les élèves du lycée de Fécamp, l’autre lycée acteur de ces cérémonies.
Partage de la musique, de moments d’une intensité exceptionnelle avec les déportés présents. [bulletin n°329, juillet 2012, p. 13]


Cantique des cantiques
Quelle est belle, mon amour
Avec sa robe de tous les jours
Avec un petit peigne dans ses cheveux, 
Personne ne le savait qu’elle était aussi belle.
Jeunes filles d’Auschwitz,
Jeunes filles de Dachau,
N’avez-vous pas vu mon amour ?
Nous l’avons vue, dans un lointain voyage
Elle ne portait plus sa robe
Ni de peigne dans les cheveux.
Quelle est belle, mon amour
Choyée par sa mère
et les baisers de son frère.
Personne ne le savait, qu’elle était aussi belle
Jeunes filles de Mauthausen,
Jeunes filles de Belsen,
N’avez-vous pas vu mon amour ?
Nous l’avons vue sur la place gelée,
Un numéro dans sa main blanche
Et une étoile jaune sur le cœur.

Adonis
Là, dans le grand escalier
Dans l’escalier des larmes
Dans le profond sentier de la mort
Dans la carrière des lamentations,
Juifs et partisans marchent,
Juifs et partisans tombent,
Ils portent un rocher sur leur dos
Un rocher, croix de mort.
C’est alors qu’Adonis entend la voix.
La voix :
« Oh ! camarade, oh ! camarade,
Aide-moi à monter l’escalier. »
Mais là, dans le grand escalier,
L’escalier des larmes,
Toute aide est une insulte,
Toute compassion, une malédiction.
Le juif tombe sur la marche
Et l’escalier devient rouge
« et toi mon gars, viens par ici,
Prends une deuxième rocher. »
J’en prends un, j’en prends deux
Moi je m’appelle Adonis
Et si tu es un homme, viens donc ici
Sur l’aire de marbre.

Le déserteur
Yannos Ber lui qui vient du nord
Ne supporte pas les barbelés
Il prend courage, il prend des ailes,
Il court dans les sillages de la plaine.
Donne, donne, donne un peu de pain
Et des vêtements pour me changer,
J’ai un long chemin à faire 
Et des lacs à survoler.
Où qu’il passe et où qu’il s’arrête
S’abattent la peur, la terreur
Et une voix, une voix terrible :
« Cachez-vous du fuyard ! »
Chrétiens, je ne suis pas assassin
Ni fauve pour vous manger.
Je me suis enfui de prison
Pour rentrer chez moi.
Ah ! quelle solitude de mort
Dans ce pays de Bertold Brecht !
Yannos est livré au SS
Maintenant c’est pour le tuer 
Qu’ils l’emmènent.

Le jour où la guerre finira
Fillette aux yeux effarouchés
Fillette aux mains glacées
Lorsque la guerre sera finie ne l’oublie pas.
Joie du monde, viens à la porte
Pour que nous nous embrassions sur la route
Que nous nous enlacions sur la place.


Liesbeth List chante (en néerlandais) la Cantate (ou Ballade) de Mauthausen. 
Chanteuse et comédienne néerlandaise, Elisabeth (Elly) Driessen à Bandung (Java, colonie néerlandaise, jusqu’à l’indépendance de l’Indonésie en 1949) naquit le 12 décembre 1941, trois jours après la déclaration de guerre des Pays-Bas au Japon.  Lisbeth vécut les premières années de sa vie dans un camp d’internement japonais, où sa mère – qui se suicida en 1946 – fut « femme de réconfort ». Liesbeth List est décédée aux Pays-Bas le 25 mars 2020.