Cantate pour Mauthausen

art et mémoire :
le Chœur d’Hommes d’Anjou chante le devoir de mémoire

Pour son 38ème congrès, à Linz, en mai 2000, l’Amicale a été accompagnée par le Chœur d’Hommes d’Anjou, dont l’engagement humaniste n’a d’égal que le bonheur de chanter. La cantate pour Mauthausen a été créée le soir du 6 mai, au camp même par les 40 hommes du chœur dirigés par Agnès CLAERENS. Texte : Gérard BOUSSION, musique : Thierry DECHAUME. Depuis cette date, le Chœur d’Hommes d’Anjou, fidèle à l’engagement pris devant nous, donne à chacun de ses concerts, soit quinze fois par an, un chant de la mémoire.
Michelle Rousseau-Rambaud

Le Chœur d’Hommes d’Anjou a tenu à écrire et mettre en musique son propre message. Nés d’un large échange de vue au sein de la commission artistique, ces mots sur le thème de « la bête immonde » de Brecht ont été adoptés par le groupe entier et chantés par lui à Mauthausen pour la première fois. Gloire et victoire de ceux que la barbarie n’a pu tuer. On ne tue pas l’esprit… Mais attention, il faut faire œuvre de mémoire, d’autant que « la bête revient… » Pas de naïveté, mais LUCIDITÉ et ENGAGEMENT.

Le jour de mai levant…
Vos grands yeux effarés au jour de mai levant
S’abreuvent des clartés du matin prometteur.
Maintenant vos bourreaux ont cessé leurs clameurs ;
La lumière a figé tous leurs rires aux yeux clairs
Et réchauffe soudain vos oripeaux, vos chairs,
Vos grands yeux effarés au jour de mai levant.
Peuple rayé,
Peuple de fantômes,
Vos rayures aujourd’hui ont les traits de la gloire !
Vous avez triomphé de l’immonde carrière,
Vous êtes revenus de ce gouffre sans fond,
L’échine disloquée, les yeux creusés profonds.
Vous avez remonté le long escalier blanc
Quittant ces temps de fer et ces matins tremblants,
Vous avez triomphé de l’immonde carrière.
Peuple de sous-hommes,
Peuple de bagnards,
Ce trou assourdissant bruit de votre victoire !
Vos frères abattus, disparus sans linceul,
De France ou de Russie, d’Espagne ou de Judée
Se dressent avec vous, innombrables, guidés
Par les seuils éclairés déchirant le ciel noir.
Votre vibrant cortège emporte dans la gloire
Vos frères abattus, disparus sans linceul.
Peuple de vainqueurs
Peuple sans drapeau,
Nul ne peut tuer l’espoir et l’esprit sous la peau !
(transition musicale : Lacrimosa)
La bête revient…
Je ne vois plus vos noms sur les pages des livres
Et le lierre étouffe les pierres de vos ruines.
Les foules effacent la mémoire du crime
Car le froid souvenir les empêche de vivre.
Postons des guetteurs
Alertons les témoins,
Montons sur les hauteurs
Pour éclairer demain !
J’entends des bruits sourds de maraude
Et rouler les tambours ;
Et la peur me taraude
À la tombée du jour.
Postons des guetteurs
Alertons les témoins,
Montons sur les hauteurs
Pour éclairer demain !
Je dis la saison revenue
De la fin des marelles,
Et des cloches fêlées,
Des paroles gelées,
Des affreuses nouvelles
Et des voix inconnues.
Postons des guetteurs
Alertons les témoins,
Montons sur les hauteurs
Pour éclairer demain !
Phares de notre bout du monde,
Éclairez les marais,
Balayez les forêts
Pour débusquer « LA BÊTE IMMONDE ! »


© C.H.A. novembre 1999 – février 2000
Paroles : Gérard Boussion, président du Chœur d’Hommes d’Anjou
Musique originale : Thierry Dechaume, chef de chœur et fondateur du Chœur d’Hommes d’Anjou
► Audio disponible sur l’album Libertés de Chœur d’Hommes d’Anjou