Émile VALLEY (1910-1999)

Mauthausen – Linz III (matricule 60 652)

Date et lieu de naissance : 7 octobre 1910 à Anglefort (Ain)
Profession avant sa détention : cuisinier
Arrêté le 21 juin 1941
Âge au moment de son arrestation : 30 ans
Motif de l’arrestation : membre de la Résistance française
Détails sur sa détention : Prison de La Santé (Paris) ; 9 mars 1942 Fresnes ; 13 mars 1942 Clairvaux ; septembre 1943 Blois ; février 1944 camp de transit, Compiègne ; 25 mars 1943 CC de Mauthausen (matricule n° 60.652) ; CC de Linz III ; CC de Mauthausen
Après la Libération : cuisinier ; secrétaire général de l’Amicale de Mauthausen ; officier de la Légion d’Honneur ; décoré de la Médaille de la Résistance
Décédé le 8 août 1999

LE COMBATTANT DE LA RÉSISTANCE

Émile Valley est né le 7 septembre 1910 à Anglefort, dans le département de l’Ain. Avant sa détention, il travaillait comme cuisinier aux Hôpitaux de l’Assistance Publique, d’abord à Garches et ensuite à la Salpetrière à Paris.

À la suite de la défaite, il joignit sans tarder une organisation de résistance en accord avec ses convictions : les Franc-tireurs et Partisans Français. Cette organisation avait été fondée dans la mouvance communiste et était en relation avec l’organisation militaire des Forces Françaises de l’Intérieur. Émile Valley participa à des actions de solidarité en faveur des Brigades Internationales, en partie en les soutenant financièrement, mais, de manière plus importante – et avec l’approbation de sa femme – en recueillant des enfants réfugiés en provenance d’Espagne qu’ils prenaient en pension dans leur logement.

Le 21 juin 1941, Émile Valley fut arrêté par la police française à Paris. Il était en possession de documents relatifs aux activités du Parti Communiste, qui incluaient des plans de sabotage d’infrastructures allemandes. Il fut envoyé immédiatement à la prison de la Santé pour une durée de huit mois. Il y fut détenu jusqu’à son procès le 8 mars 1942. Le Département spécial de la Cour d’Appel de Paris le condamna à trois ans de prison.

DÉTENTION EN FRANCE

Trois jours après son procès, Émile Valley fut transféré à la prison de Fresnes pour quatre jours, jusqu’au 13 mars 1942, et fut ensuite envoyé à la centrale de Clairvaux. Il y fut interné pendant un an et demi. En septembre 1943 – la date exacte n’est pas connue – il fut transféré à la prison de Blois pour une durée de cinq mois, jusqu’au 17 février 1944. Il fut alors envoyé au camp de transit et d’internement de Compiègne où il reçut un numéro de prisonnier (le 28 007). Un mois plus tard, le 22 mars 1944, il fut déporté au camp de concentration de Mauthausen où il arriva le 25 mars 1944.

DÉPORTATION

Au camp principal de Mauthausen, il fut enregistré sous le matricule 60 652. Après la période de quarantaine, il fut assigné au commando de Linz III où près de 5 500 détenus étaient employés comme travailleurs forcés à la production d’armements et à la construction, et qui devaient accomplir la tâche dangereuse du déblaiement à la suite des attaques aériennes. Au cours d’une attaque aérienne des Alliés sur l’usine d’armement, Émile Valley, qui transportait des bombonnes de gaz en dehors de la zone de danger afin d’éviter la catastrophe, fut atteint aux yeux et au visage. Ses blessures s’infectèrent à telle enseigne qu’il fut transféré au camp principal où il parvint à soigner ses blessures. Il resta au camp principal jusqu’à sa libération, le 5 mai 1945.

Émile Valley prit une part active au combat pour la libération du camp, et au prix d’efforts physiques considérables. Il fut au nombre des prisonniers qui prirent les armes pour protéger le camp contre les SS qui avaient déjà quitté les lieux. Du fait qu’il était membre de l’organisation de résistance du camp, son action fut considérée comme exemplaire et il fut nommé président du comité national français de libération.

Le dernier convoi de la Croix Rouge à avoir rapatrié, parmi d’autres, plusieurs anciens détenus français quitta le camp le 28 avril. Personne n’avait été autorisé à rester au camp, sauf les médecins et les malades intransportables. Émile Valley, cependant, avait refusé de prendre place dans ce convoi de retour. Il rejoignit les détenus de Gusen et fut ainsi à même de continuer ses activités avec le groupe de résistance de Gusen. Sa rencontre avec Serge Choumoff qui parlait plusieurs langues étrangères lui permit d’établir des relations avec ses camarades de différentes nationalités – par exemple avec Hans Maršálek qui assurait le contact avec les pompiers de Vienne qui étaient les nouveaux responsables du camp.

SES ACTIVITÉS EN AUTRICHE

La personnalité d’Émile Valley laissa une trace profonde en Autriche où il défendit sans relâche les droits de ses amis déportés, survivants ou décédés. Voici quelques exemples, sans prétention à un ordre chronologique quelconque.
Le jour suivant la libération, il plaida auprès des Américains à l’aéroport de Linz pour les convaincre de rapatrier les détenus libérés du camp de concentration avant les prisonniers de guerre. Les Américains se plièrent à sa demande.
Le 16 mai 1945, ce fut Émile Valley qui lut la version française du « Serment de Mauthausen » qui devint notre texte de référence. Ce fut lui encore qui lit la version française de « L’Appel de Saint Pölten » côte à côte avec le Président Gilbert Dreyfus and le Dr Heinrich Dürmeyer.
Émile Valley devint membre de la commission exécutive du Comité International de Mauthausen, et, jusqu’à la fin de sa vie, il se montra actif au sein de l’Amicale dont il était co-fondateur. Aujourd’hui, une plaque à la mémoire d’Émile Valley est apposée au Mémorial du camp de concentration de Mauthausen.
En compagnie de Serge Choumoff, il retourna régulièrement à Mauthausen, afin en particulier d’organiser le transfert des dépouilles de ses camarades qui, dans les derniers jours avant la libération du camp, étaient trop affaiblis pour espérer participer au retour et étaient décédés. Au total, 98 d’entre eux purent être transportés et enterrés en terre française.

Hans Maršálek se souvenait du fait que les Français, « en particulier certains d’entre eux comme Émile Valley », ont érigé des stèles et des monuments commémoratifs des victimes de Mauthausen, Hartheim ou Gusen, bien avant que les autorités autrichiennes ne le firent : « c’est à eux qu’on doit la revanche de l’histoire ». Dans ce qui avait été le camp central, le monument français fut en place dès septembre 1949.

APRÈS LE RETOUR

À la suite de son retour en France, Émile Valley reprit son travail de cuisinier à l’hôpital. Il a consacré tout son temps libre à l’Amicale, à préparer les rencontres des anciens déportés, et à développer des antennes régionales dans les différents départements. À la fin de l’année 1947, il devint secrétaire général de l’Amicale de Mauthausen dont André Ulmann était président.

Il s’efforça en priorité de soulager la douleur des personnes endeuillées, des veuves et des parents. Il n’hésita jamais à traverser la France afin de se rendre auprès des familles ou des camarades en difficulté.

Malgré des ressources limitées, il organisa des voyages du souvenir et de nombreuses démarches officielles fastidieuses pour obtenir de droits de visite sur les sépultures, au bénéfice des familles. Il aida ses camarades à obtenir leur carte de déporté et à obtenir des dossiers. Il était toujours disposé à les accompagner dans leurs démarches administratives. Il aida en particulier les Espagnols qui, pour la plupart, étaient restés en France et ne pouvaient pas retourner en Espagne fasciste.

EÉmile Valley était officier de la Légion d’Honneur et titulaire de la Médaille de la Résistance. Il mourut le 8 août 1999.

L’impact de son travail est perceptible jusqu’à ce jour.

Michelle Rousseau-Rambaud

Remarque de l’auteur : Je souhaite exprimer ma reconnaissance à Madeleine Didelet pour son soutien, à Serge Choumoff, Lise London, Madeleine Mathieu, Pierre Jautée, ainsi qu’à Jean-Marie et Claude Winkler pour leur livre Le retour des corps.