Antisémitisme

L’antisémitisme est, nous dit-on, un des pires poisons pour la république.

Il cherche à humilier, reléguer, discriminer tout un pan de la population, à diviser la société. Il agresse, il tue. En temps de crise, il alimente les errements de l’esprit complotiste, il redouble les labyrinthes de l’obscurantisme. Selon le principe du bouc émissaire, il évite de poser les vrais problèmes d’une société, donc il empêche de les traiter.

En France, l’antisémitisme a peut-être été, au moins depuis le XIXe siècle, la matrice de tous les racismes, dont les préjugés, les délires, les concurrences, les conflits même, convergent au moins vers un effet commun : détruire le corps social que la république s’emploie à faire vivre.

En France et en Europe, on devrait le savoir, les racismes créent un appel d’air où s’engouffrent les fascismes. Mais comment ne pas remarquer que l’antisémitisme fait spécifiquement ressurgir les signes, gestes et thèses du nazisme, dont il fut l’épine dorsale ? Il ne suffira jamais de se demander à qui profite un tel crime. Il faut agir constamment, et aussi rationnellement que possible.

Renversons donc la perspective : la république a été et doit demeurer le meilleur antidote contre l’antisémitisme. C’est déjà son esprit, un an avant qu’elle soit proclamée, qui en 1791, d’un trait de plume courageux et inouï, a émancipé les Juifs de France. C’est elle qui, certes dans la douleur, a permis de surmonter les haines et les hontes liées à l’Affaire Dreyfus. C’est elle enfin qui, bafouée, officiellement abolie par Pétain mais réinventée dans la Résistance, a permis la renaissance d’un peuple libre et fraternel au sein duquel les Juifs pourraient vivre, tout simplement – et au sortir des camps, notre Amicale le sait bien, certains firent ce choix délibéré.

Faisons donc vivre la devise, qui inspira, en filigrane, le serment de Mauthausen.

Les libertés individuelles, inséparables de la laïcité qui assure l’égalité de droits à chacune et chacun, quelles que soient son origine, sa croyance ou son incroyance, les orientations de sa vie.

Les libertés publiques : liberté de manifester sans suspicion administrative ; liberté de la presse, aujourd’hui particulièrement menacée, dès lors que l’information et l’opinion deviennent de simples mais redoutables marchandises… dont les déchets alimentent les défouloirs incontrôlés et particulièrement nauséabonds que sont certains espaces « virtuels ».

L’égalité qui suppose que face à la violence économique, on écoute les souffrances et revendications sociales, sans les caricaturer ni les contourner. Car il n’est pas d’égalité dans la république sans justice sociale.

La fraternité dont notre pays devrait être porteur dans le monde et tout spécialement en Europe, pour y porter les principes universalistes du débat républicain entre citoyens égaux et entre pays égaux, pour y favoriser systématiquement les politiques de paix.

Claude Simon,
membre du Bureau de l’Amicale de Mauthausen