Paris, Père-Lachaise, 21 septembre 2001

Les mots prononcés par le président de l’Amicale

Circonstance : nous honorons Les Français de Mauthausen, par-delà la foule de leurs noms, ce que signifie ce monument, que le titre du livre d’Adeline Lee nomme précisément.

Nous savons la valeur des monuments de pierre ou numériques, pour porter la mémoire des 9 000 Français qui subirent Mauthausen, dont la moitié ne connut pas la libération. D’autant mieux que nous disposons désormais de l’histoire approfondie de leurs parcours individuels et collectif.

Je souligne les autres stèles, tombes et monuments dans ce cimetière qui concernent aussi la mémoire de Mauthausen : républicains espagnols, tombe de F. Boix, et les monuments des autres camps (par les logiques nazies des transferts, certains de ceux que nous honorons ici sont morts à Neuengamme, Auschwitz, Dora…).

Il est naturel et néanmoins riche de signification que nous commencions notre journée de réunions à la mairie du XXe arrondissement devant ce monument.

Nous veillons sur son devenir. 1958, 2015 : les chiffres gravés, signalés modifiés par la recherche historique. Nous avons fait le bon choix de ne pas inscrire ceux de 2015 : ils se sont précisés depuis lors, par la publication du livre d’Adeline Lee.

1958, la sculpture de Gérard Choain*. À quel point elle fournit le bon repère, qui confère à Mauthausen, à la carrière de Mauthausen, valeur emblématique pour l’ensemble du système concentrationnaire.

Je vous livre en ce sens deux ou trois phrases piochées chez deux historiens :

  • J. Chapoutot (La loi du sang) cite Himmler :

« Le devoir des Allemands est de remplir nos camps avec des esclaves – je veux dire ici les choses clairement et distinctement –, avec des esclaves qui vont travailler pour nous et qui vont bâtir nos villes, nos villages et nos fermes sans que nous prêtions la moindre attention aux pertes induites. »

  • N. Wachsmann (KL) souligne l’importance toute particulière, première, des carrières, y compris pour« la SS, [qui] « considérait depuis longtemps les carrières comme une torture particulièrement atroce et le RSHA** s’accordait sur ce point. »

Il cite un détenu polonais de Gross Rosen : « Nous nous blessions les mains. Nous nous efforcions de nous soutenir avec les genoux. On travaillait en état de transe, presque inconsciemment, sans penser à la fin de la journée. »

Et il conclut : « Quand ils revenaient au camp, ils portaient les stigmates de la carrière sur tout leur corps meurtri. »

* Gérard Choain (Lille 1906 – Paris 1988) est l’auteur du Monument aux déportés des camps de concentration au cimetière du Père-Lachaise (1958) et du monument dédié à la mémoire des républicains espagnols morts en déportation de Mauthausen (1962).
** Reichssicherheitshauptamt : Office central de la sûreté du Reich