Dernières nouvelles de Gusen

Sur le site du journal autrichien Der Standard, le 27 janvier 2022,
dernières nouvelles de Gusen.

Le jumeau oublié de Mauthausen

En mai de l’année dernière, la république a annoncé l’achat des zones centrales du site de l’ancien camp de concentration de Gusen. Maintenant, le processus de conception proprement dit commence.

La petite commune de St. Georgen an der Gusen dans le Mühlviertel compte 4 000 habitants, 2 502 habitants vivent dans le village voisin de Langenstein. Deux lieux qui ont un point commun : on vit ici sur un terrain historiquement très marqué. Les parties centrales de l’ancien camp de concentration de Gusen étaient situées là où se trouvent maintenant de jolies maisons particulières.

Bien que le camp de concentration de Gusen fût un camp annexe de Mauthausen, il était environ deux fois plus grand que le camp principal. Au moins 71 000 personnes ont été retenues captives rien qu’à Gusen, environ la moitié d’entre elles ont été assassinées. Au prix de leur vie, les prisonniers ont dû construire un système de galeries souterraines dans lequel les nazis développaient la production secrète d’armements sous le nom de code « Bergkristall ». Hormis le camp principal de Mauthausen, Gusen était le seul camp du Grand Reich allemand « de niveau III ». Pour les prisonniers, cela signifiait « l’anéantissement par le travail » dans les carrières et dans les tunnels souterrains.

Pression polonaise

Une grande partie des victimes venaient de Pologne, où on ne considère pas Gusen comme un simple camp annexe, mais plutôt comme un camp jumeau de Mauthausen – ce qui explique aussi la pression du gouvernement polonais et des associations de victimes polonaises pour une culture de la mémoire adéquate.

Mais il ne s’est rien passé du côté autrichien pendant longtemps. Bien qu’avec la refonte de l’exposition dans l’ancien camp de concentration de Mauthausen l’histoire sanglante de Gusen soit mieux intégrée dans le concept mémoriel, rien ne change pourtant dans le patchwork du tapis commémoratif dispersé dans les deux villages. Une étude de faisabilité préparée en 2018 a également rapidement disparu dans le tiroir du gouvernement. Puis, en 2019, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a annoncé que son pays était intéressé par l’achat des vestiges du camp pour en faire un lieu de mémoire digne.

Les intentions d’achat polonaises ont stimulé la motivation au sommet national de l’État. Le 4 mai de l’année dernière, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Karl Nehammer (ÖVP), a annoncé l’achat de la zone d’entrée du système de tunnel Bergkristall à St. Georgen, de deux baraquements de l’administration SS, du concasseur de pierres et de parties de la place d’appel à Langenstein. 

Parc commémoratif

Cependant, les contrats d’achat n’ont été officiellement signés que le 24 décembre de l’année dernière devant un notaire de Linz. Le retard s’expliquait, entre autres, par de nouvelles mesures des terrains. Mais surtout, il fallait clarifier la question de savoir quels autres achats de terrains étaient encore nécessaires pour pouvoir relier à l’avenir les anciennes zones du camp de concentration, par exemple la place d’appel et le concasseur de pierres en surplomb.

En tout cas, dans les rangs des organisations mémorielles locales, on a déjà une idée claire de ce à quoi devrait ressembler la culture du souvenir dans les deux localités à l’avenir. Martha Gammer, présidente du Comité du souvenir de Gusen, a suggéré un « parc commémoratif » dans l’interview au Standard : « Des anciennes baraques SS à l’est via la place d’armes jusqu’au concasseur de pierres, puis à une voie publique menant au Mémorial de Gusen : un parcours audiovisuel à travers les différentes zones. Avec des panneaux explicatifs et les voix des survivants ».
En tout cas, ce dont elle ne veut pas, ce sont de « grands bâtiments neufs » : nouveau centre d’accueil, centre éducatif ou même hôtel. « Nous n’avons pas besoin de grandes entreprises, y compris de tourisme en bus, comme au Mémorial de Mauthausen. La population locale n’en veut certainement pas non plus. »
Barbara Glück, directrice du Mémorial de Mauthausen et également responsable de la zone de Gusen, a annoncé au Standard que les préparatifs étaient terminés et que « le processus de conception proprement dit commencera sous peu ». Et toutes les parties prenantes seront impliquées. « La population de la région est tout aussi importante que les représentants internationaux. Nous réunirons tout le monde pour discuter de ce qui est nécessaire à Gusen ». Madame Glück s’attend à une « période de programmation d’environ deux ans ».
Le travail de mémoire est toujours un travail de médiation. Selon Madame Glück : « Il s’agit de créer des aides visuelles pour transmettre à cet endroit même ce qui s’y est passé à l’époque. » En même temps, il s’agit de maîtriser un processus dans lequel, au final, il est « tout à fait évident pour la population et la région que cela fait partie de la vie, du quotidien ». L’objectif est de faire un « travail de commémoration durable ». Elle conclut : « Je suis convaincue que le processus est tout aussi important que le résultat. »

traduction : Niklas Graf