Des sites de Mauthausen reconfigurés à marche forcée et sans concertation

Des sites de Mauthausen reconfigurés par les autorités autrichiennes, à marche forcée et sans concertation

Au camp central (cour des garages SS), les travaux d’installation d’un ascenseur « pour handicapés » se sont poursuivis, en dépit de l’émotion et de l’indignation suscitées, exprimées en particulier par Guy Dockendorf lors de la réunion du Kuratorium de Mauthausen Memorial, le 10 juillet, où il avait demandé la démolition de la tour.

© photo Dario Venegoni, président de l’ANED – Italie, photo prise le 29 septembre 2018

Au Loibl nord, les vestiges des fondations de baraques ont disparu sous une chape de béton destinée, assurent les autorités, à les protéger pour cent ans. Le Comité Mauthausen de Carinthie n’avait pas été informé de l’entreprise, conduite à la hâte. Une cérémonie de réception des travaux s’est tenue vendredi 29 septembre, en présence des autorités fédérales.

Voici un extrait de la protestation signée par Peter Gstettner, qui, depuis vingt ans, a été le principal acteur de la mémoire du site du Loibl nord, dont en particulier la mise à nu des vestiges enfouis sous la forêt et l’organisation annuelle de la commémoration de juin. Sur le choix des travaux récemment effectués, il peut y avoir débat – c’est précisément celui-ci qui est escamoté. À l’initiative prise cet été sur le site du camp nord du Loibl a pris tout le monde par surprise, Peter Gstettner a réagi par une diatribe sombre, qui se termine par « une série de nouvelles questions » :

• Est-ce là le changement du « sol mémoriel » requis et souhaité, conforme à l’avis du BDA (Inspection nationale des monuments historiques) qui n’autorise la mise en œuvre de mesures archéologiques qu’« en tenant dûment compte de l’état de la science et de la technologie » ? Ou existe-t-il une nouvelle décision qui remplace la mise en œuvre originale du marquage et permet de brouiller les traces ? Qui a obtenu une telle « nouvelle décision » qui contredit la précédente et avec quels arguments ?
• La province de Carinthie, qui a soutenu financièrement l’ensemble du projet, a-t-elle été informée des nouvelles mesures à venir et son accord a-t-il été demandé ?

• L’effacement des traces a-t-il eu lieu avec le consentement de l’Institut archéologique de l’Université de Vienne ? Le conseil scientifique de l’institution fédérale du Mémorial de Mauthausen en a-t-il eu connaissance et a-t-il donné son accord ?
• L’Agence fédérale du Mémorial de Mauthausen a peut-être elle-même demandé la suppression des traces mémorielles reconstituées – pour épargner aux visiteurs du site, grâce à une harmonisation de l’aménagement au sol et de l’impression visuelle, une désagréable confrontation aux crimes de l’époque nazie ?
• Si l’on a déjà en vue l’exploitation touristique de l’espace de l’ancien camp de concentration, son environnement n’offre-t-il pas un spectacle naturel unique ? L’ancien détenu tchèque, le docteur (en médecine) Frantisek Janouch, homme érudit et amoureux de la nature, a écrit à sa femme, dans un message clandestin, depuis le camp sud du Loibl : « 
la seule chose gênante est qu’entre moi et la somptueuse nature se dresse un barbelé ! » Dans cette optique, le rappel permanent de la souffrance des prisonniers du camp de concentration et la référence aux reliques survivantes de cette période de terreur peuvent être une incitation à éradiquer ces traces incriminantes. Regardez tous ici ! C’est ainsi que l’Autriche se libère de son passé ! Des fondations en béton, solides et lisses comme pour un nouveau bâtiment, et des pignons de fer, durs comme de l’acier Krupp, ne sont pas des indices mémoriels mais un témoignage du dur travail national autrichien !
Bienvenue dans notre magnifique pays de vacances !


traduction Bernard Obermosser

© photo Wolfgang Bandion