Il avait publié en 2007 Le singulier destin d’un enfant de Tarnow, un récit précis et fort intéressant du parcours, « singulier » en effet, mais significatif, du sort des jeunes juifs polonais ayant survécu à la folie génocidaire des nazis, parce que « sélectionnés » pour le travail esclave et donc internés, par exemple, à Mauthausen en 1944 tandis que leur famille entière avait été transportée vers les centres de mise à mort. Quelques-uns de ces jeunes ont survécu et, pour certains, construit leur vie en France. Nous ne pouvons pas ne pas percevoir la communauté de destin de Léo Klein et d’Ernest Vinurel (Rive de cendre, 2003) – quoiqu’il faille toujours rester attentif aux singularités.
Léo Klein était né en 1926 en Galicie, près de Cracovie, à Tarnow, « une des plus belles villes polonaises » – autrichienne jusqu’en 1918. Il se plait à souligner qu’elle fut « paisible, juive sans être orthodoxe, loin de tous les clichés en somme ». Dès l’occupation allemande en 1939, les juifs de Pologne subissent un engrenage de violences d’une autre dimension que les pogroms antérieurs. Le jeune Léo est au ghetto, où son père est battu à mort, puis au camp de travail forcé de Putskow, s’en évade et retrouve les siens au ghetto. En trois rafles successives, de juin 1942 à septembre 1943, le ghetto de Tarnow est liquidé. Des milliers de fusillés ; en plus grand nombre ils sont transportés vers le centre de mise à mort de Belzec. Lors de la 2e rafle, sa mère le repousse à coups de pied – vers la vie. Le voici au camp de travail de Plaszow avec 8 000 juifs, pour 24000 détenus, jusqu’au 6 août 1944 : à l’approche des troupes soviétiques, il est envoyé à Mauthausen. Il y passe une dizaine de jours, mesurant « à quel point ce que je vivais dépassait tout ce que j’avais vu jusque-là ». Devenu le matricule 86740, il est transféré au Kommando de Sankt Valentin, parmi 500 juifs de l’Est et une centaine de Français, comme travailleur esclave de Ferdinand Porsche dans la plus grande usine de chars du Reich. Le camp est évacué mi-avril, vers Ebensee, où il vit encore le 6 mai, jour de la libération : mais « de toutes ces années d’horreurs, ces quinze jours furent les plus horribles ».
La suite du récit est hautement « singulière » : le voici en « reconstruction » des mois durant à Bad Ischl, Graz, Budapest, Bratislava, Bad Ischl de nouveau et Salzbourg. Les Américains et les Britanniques, les Soviétiques, la Croix-Rouge, la « Brigade juive » et l’hypothèse de la Palestine ou celle d’un départ outre-Atlantique, Stuttgart, et finalement direction Béthune ou une sœur s’était installée avant-guerre, Lens et Bruay où travaillent de nombreux Polonais (non juifs). Son beau-frère fait de lui un tailleur, qui gagne Paris (Le Sentier). Fonde une famille, a un fils, en 1961, Olivier. En 1965, il obtient sa naturalisation.
Comme Ernest Vinurel, Léo Klein était très attaché à l’Amicale de Mauthausen. C’est pour nous un motif de fierté. La sienne fut, en 2016, de recevoir la Légion d’honneur, un vœu qu’évidemment nous avions soutenu.
Aux obsèques de notre ami Léo Klein, lundi 24 juillet au cimetière de Bagneux, Daniel Simon et Jean-Louis Roussel représentaient l’Amicale.